CORONADESIGN ?

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Crédit image : Fairly

S’il y a bien des périodes où l’on voit que le métier de designer (quel que soit sa spécialité) est intimement lié aux problématiques de société et peut avoir un intérêt d’ordre public, c’est bien maintenant.

Il n’est pas rare que nos métiers de designers produit, graphique ou espace (notre cas), soient mal perçus. Pas mal dans le sens “vision négative”, mais plutôt de la “mauvaise manière” : futile, ornemental, accessoire, etc.

Pourtant, le cœur du métier de designer est de répondre à des problématiques par de l’usage et en apportant du sens.

Et en cette période, nombreux seront les défis à relever. Les problématiques mettent en exergue les aspects sanitaires, économiques mais aussi sociaux.

En tant que designer d’espace, cette dimension sociale est celle qui nous affecte tout particulièrement et nous interroge en priorité.

Nous, dont la mission est de créer des espaces de convivialité, d’hospitalité, de commerce, de travail, en bref, des lieux de vie.

Il faut le dire, les mesures sanitaires imposées nous affectent tout particulièrement, nous Français.

Notre culture latine nous incline aux embrassades, aux réunions familiales, aux apéros en terrasse après le travail, aux grandes (ou petites) tablées dans les restaurants où on se serre bien souvent.

Bref, le contact humain fait partie de notre façon de vivre et la distanciation physique semble contre nature.

fairly coronadesign resserrement lien social

Crédit photo : Vonecia Carswell

D’ailleurs, le terme employé de distanciation sociale est décrié par les linguistes. Nous sommes en réalité sur de la distanciation physique, au service des « retrouvailles » sociales.

Et c’est là où est tout l’enjeu, aussi complexe que passionnant, de permettre aux gens d’être de nouveau ensemble.

Faire oublier les “barrières”, les interdits et la distance. Partager de beaux moments dans des lieux de convivialité et de vie ou tout simplement dans l’espace public, en prenant soin de soi et des autres.

DES PROBLÉMATIQUES ET DES SOLUTIONS

Les réponses dans l’urgence, au-delà d’être inadaptées en terme d’usage pour une grande majorité, vont poser des problèmes sur le long terme

L’industrie pétrochimique tourne à plein régime pour fabriquer des tonnes de plaques de PMMA (le fameux Plexiglas) fixés à la va-vite sur des meubles qui seront considérés comme bons à jeter une fois dépouillés de ces “attraits” après la crise. Ou bien des kilomètres de rouleaux d’adhésif pour le sol, qui prendront rapidement le chemin de la déchetterie, sans solution pour une seconde vie.

C’est vrai, la vie doit reprendre ses droits rapidement pour remettre la convivialité au cœur de notre quotidien.

Nous partageons ici quelques pistes d’actions concrètes et simples à mettre en place. Celles-ci nous semblent pertinentes dans le contexte actuel tout en étant responsables dans leur approche.

RÉUTILISER

Il peut être compliqué de pouvoir développer, vite et à moindre coût, des dispositifs sécuritaires et conviviaux.

La solution est pourtant parfois juste sous nos mains, et son caractère atypique peut également devenir une vraie signature.

Le centre d’art d’Amsterdam a fait preuve de créativité en convertissant ses serres en bulles intimes ouvertes sur le monde extérieur.

fairly coronadesign mediamatic serres bulles

Crédit photo : Anne Lakeman

Le centre n’a pas eu à investir dans ces petites serres puisqu’il les avait déjà, du fait de son activité, centrée autour des projets de nature & sciences.

Pas dépense superflue qui finira dans la réserve à l’issue des dispositions de distanciation.

fairly coronavirus mediamatic serres poésie

Crédit photo : Anne Lakeman

En parallèle, les rituels de services ont été pensé au regard de ces structures. Pour conserver les distances nécessaires et ne pas entrer dans les serres, les serveurs utilisent de longues planches de bois sur lesquels les plats sont mis en scène.

fairly coronavirus mediamatic rituel services planche

Crédit photo : Anne Lakeman

Transformer une contrainte sanitaire en un moment bucolique est ici plutôt bien illustré.

Reste maintenant à imaginer comment accueillir de grandes et belles tablées, en étant moins statiques et plus modulables…

RÉORGANISER

Les rues désertes et sans voitures pendant le confinement ont aujourd’hui laissé place à des espaces publics que l’on doit partager différemment.

Il est ainsi difficile de pouvoir tenir ses distances et de gérer spontanément ses déambulations.

Inspirons-nous des travaux d’architectes et urbanistes pour la gestion des flux et de la distanciation physique sur les marchés de grandes villes néerlandaises.

// DISSÉMINER

Ne plus aller au marché mais faire venir le marché à vous.

Avec ces « micro marchés« , on évite les concentrations de flux trop importantes et on fluidifie la vie quotidienne de chacun…

// CRÉER UNE “GRILLE DE CIRCULATION”

A l’aide à une grille de 16 carrés de 1 m par 1 m, les flux sont mieux contrôlés.

Les circulations sont également facilitées grâce à la création d’une 1 entrée pour 2 sorties.

fairly coronadesign shift micro marche plan flux

Crédit image : Shift

Six personnes peuvent être simultanément dans l’enceinte du micro marché, mais la circulation de ces personnes est libre.

Seule contrainte :  1 personne par case à la fois.

fairly coronadesign shift micro marché simulation

Crédit image : Shift

// AJUSTER L’OFFRE

Changer sa manière de faire.

Mettre en place un comptoir pour les commandes et un autre pour récupérer ses achats.

Conditionner les produits au préalable.

L’extension des horaires d’ouverture permet également de donner de la souplesse au process et de rendre l’expérience moins « traumatisante ».

Encore fictif, ce projet à le mérite d’intégrer dans sa démarche des données sociales et urbaines.

Il se penche sur les problématiques propres à un territoire donné, sans donner dans le “sur-design”. En effet, on reste ici sur une gestion de flux et de logique organisationnelle.

Il semblerait cependant pertinent de déployer le concept avec des principes moins “figés”, plus modulaires (en fonction du type de places à aménager, du nombre de stands, etc.)

REDISTRIBUER

A l’heure où les espaces de travail étaient remis en question dans leurs principes, en offrant des lieux décloisonnés, propices à la modularité et aux nouvelles postures de travail, voilà que les problématiques sanitaires poussent inexorablement à un retour aux cubicules d’antan et à l’avènement du plastique, au moment même où la nature s’y taille la part belle.

Combien de temps resteront ces solutions dites temporaires ? Malheureusement, nul ne sait dire jusqu’à quand les règles de distance feront foi.

Des architectes londoniens, Weston Williamson + Partners, se sont posés la question du réaménagement des espaces de travail. Leur optique est de pour pouvoir accueillir sereinement les collaborateurs lors de leur retour au bureau.

Leur point de départ : avoir conscience des deux réactions vécues suite au déconfinement : ceux qui veulent revenir à tout prix, et ceux qui ont peur. Et répondre aux deux.

Comment ?

#01 METTRE EN PLACE UN ROULEMENT

On libère de la place pour mieux l’occuper.

#02 FAVORISER LES ESPACES OUVERTS

A l’intérieur, avec des espaces de partages plus grands et non cloisonnés. Vers l’extérieur, pour favoriser une meilleure circulation de l’air.

#03 RÉFLÉCHIR À TOUS LES DÉPLACEMENTS

Pas uniquement sur le lieu de travail en lui-même mais également pour y arriver et en repartir.

fairly coronadesign weston williamson partners deplacements

#04 NOMMER UN OU UNE BARISTA

Cet « intendant » permettrait aux collaborateurs d’éviter de trop nombreuses interactions avec l’extérieur. Sorte de facilitateur du quotidien, elle mutualiserait les commandes et courses et pourrait cuisiner pour les collaborateurs afin d’éviter les interactions dans la zone de cuisine.

#05 CRÉER UNE ZONE TAMPON

Elle répondrait aux nouveaux usages de sécurité et d’hygiène : mise en service de thermomètres, poubelles spéciales pour gants et masques, zone de nettoyage…

Notre ressenti sur cette étude : malgré un spectre assez large, nous avons l’impression que l’aspect sanitaire et la peur associée ont surtout été abordés.

Le monde du travail et les bureaux sont aussi de véritables vecteurs de lien social. Cela est particulièrement vrai et important dans une période où nous en avons été privés.

Cet aspect aurait pu être plus creusé. On a le sentiment pour le moment que chacun doit encore un peu rester dans son coin.

FACILITER

Comment retrouver nos proches ?

Nous en sommes tous à nous poser des questions sur la façon d’aborder les retrouvailles au sein de notre sphère “intime” / personnelle. 

Le designer Paul Cocksedge est parti du principe que l’évaluation des distances (de 1 m ou 2 m), n’était aisée pour personne, même pour un designer !

Il a souhaité créer un objet qui génère du lien.

Il voulait matérialiser ce lien par un grand cercle de 4 m, sur lequel s’adossent 4 petits cercles de tissu. Cette « nappe » offre l’emprise nécessaire pour se retrouver en toute sécurité.

Crédit vidéo : Paul Cocksedge 

Grâce à sa “nappe” d’extérieur intitulée Here come the sun, le designer nous propose ici une vision simple et ludique de la distanciation physique.

Le point fort de ce projet : il est en open source !

Le patron de ce tapis hybride est téléchargeable gratuitement, permettant ainsi à chacun de s’approprier cette première proposition.

Dans le même genre, vous avez certainement vu des reportages avec les cercles blancs sur les pelouses du Domino park de New-York.

Ces cercles sont certes moins ludiques et nous font clairement penser à des marquages quelque peu autoritaires, mais ont le mérite d’être efficaces.

Mis en place à moindre coût, ils ont été facilement adoptés, sans discours parallèle.

Une preuve que nos nouvelles habitudes comportementales ont été prises très rapidement.

Dans le même genre, vous avez certainement vu des reportages avec les cercles blancs sur les pelouses du Domino park de New-York.

Ces cercles sont certes moins ludiques et nous font clairement penser à des marquages quelque peu autoritaires, mais ont le mérite d’être efficaces.

Mis en place à moindre coût, ils ont été facilement adoptés, sans discours parallèle.

Une preuve que nos nouvelles habitudes comportementales ont été prises très rapidement.

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Crédit photo : Marcella Winograd

Cet exemple pourrait également s’extrapoler sur des principes de marquage amovibles pour les commerçants…

Pourquoi ne pas mettre en place des dispositifs plus ludiques dans les lieux d’attente et de distanciation ?

DÉTOURNER

Au moment où nous nous retrouvons pour certains à passer plus de temps avec nos progénitures, comment en profiter pour créer un resserrement du lien familial ?

Cet exemple s’adresse aux enfants pour qui IKEA Russie a mis en place des guides DIY en proposant de créer des cabanes avec des éléments de mobiliers IKEA. Ainsi, un portant, une pieuvre pour étendre le linge, un drap et des pinces à linge deviennent une “tente de camping” ; un canapé, des oreillers, draps et pinces à linge pour une “forteresse”.

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Crédit photo : Ikea

Inviter à créer un imaginaire, et surtout s’adresser aux enfants (qui ont un peu été les “oubliés du Covid”), cette initiative permet déjà de retrouver un lien créatif au sein de la famille.

Ce qu’il faut également retenir de cette démarche, c’est comment une marque “décale” sa stratégie de communication.

En effet, difficile de communiquer avec légèreté et poésie dans un moment de crise.

Ici, on arrive avec décence à maintenir un imaginaire créatif, tout en touchant sa cible.

EN CONCLUSION

Les initiatives sont donc nombreuses, et cette émulation devient un véritable moteur universel d’innovation.

Beaucoup de villes ont incité les designers et ingénieurs à réfléchir à des produits (masques, respirateurs, etc.).

Il nous semble désormais important de pousser la réflexion sur l’urbain et les lieux de vie quels qu’ils soient.

Car nous devons maintenant consolider les rapports humains afin qu’ils reviennent à une forme de sérénité et de spontanéité, ce qui paraît encore difficile aujourd’hui.

On en vient également à se demander : avant d’aller tester de nouvelles solutions, examinons dans l’existant ce qui a réussi à s’adapter au nouveau contexte sans effort…

A l’image d’un petit primeur de quartier, sans vitrine et qui a pu laisser ses clients à l’extérieur de son commerce sans les éloigner des produits et sans générer de flux à l’intérieur.

Une autre question se pose sur la réversibilité.

On ne sait pas à l’heure actuelle si cette situation se reproduira, ni à quelle fréquence, ni à quelle intensité.

Comment rendre ces dispositifs flexibles, modulables, adaptables dans leurs usages et les faire « disparaître » quand la situation le permet ?

Autant de critères qui entreront dans une démarche responsable et agile de la création de ces dispositifs que l’on nommera peut-être bientôt « Coronadesign »

ADELINE

Et au fait, vous connaissez les carnets Fairly ? Vous pouvez télécharger l’acte 01 sur la réassurance ici et l’acte 02 sur le rebond  !

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PAPIER, TISSU, PLASTIQUE ? 

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LES CARNETS FAIRLY ACTE 01 I LA REASSURANCE 

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PRÉPARONS DES DEMAINS PLUS FAIRLY